Golem – Orion Awakes, chef-d’œuvre ou hoax ?

J’ai encore dans mes bacs un disque qui n’existe peut-être pas vraiment.

Golem – Orion Awakes. Une petite merveille de Krautrock / Space Rock bien psyché comme il faut, gorgée de wah-wah, d’orgue en fusion et de basse pré-post-punk. Aux manettes de l’enregistrement, un certain Toby Hrycek-Robinson, ingé son, producteur, compositeur anglaise londonien, qui a bossé aux Westdeutscher Rundfunk Studios, l’équivalent ouest-allemand de Radio France à Cologne, puis aux studios du célèbre Dieter Dierks. Son CV n’est pas méga garni (il est au mix du Landed de Can en 1975), mais enfin il existe.

Tandis que Joachim Bohne, Manfred Hof, Mungo, Willi Berghof, les musiciens qui composent Golem, eux, non. Leur nom ne renvoie à rien, ce sont des pseudos, et à ce jour, on ignore encore totalement de qui il s’agit vraiment.

L’histoire dit que Robinson, à ses heures perdues, aimait expérimenter derrière la console, embarquant les musiciens de passage dans des jam sessions, crédités sous des pseudonymes. Puis qu’il aurait fondé son petit label privé (Pyramid) pour diffuser ces enregistrements, dont le fameux Golem, qui à l’époque aurait été pressé à quelques dizaines d’exemplaires seulement.

Le souci, c’est que personne n’en a jamais vu le moindre exemplaire (au-delà des « on-dit »). Sur Discogs, le release originel (à priori de 1976) n’existe même pas – et pour cause, personne ne l’a…

Il faut attendre 1996 pour que Orion Awakes voit le jour en CD, sur le label Psi-Fi, créé expressément pour publier les archives de Toby Hrycek-Robinson, puis 2011 pour une version vinyle pirate, et enfin, 2017 pour le vinyle officiel chez Mental Experience, un des labels des très sérieux Espagnols de la maison Guerssen.

Quand on parcourt les rares forums qui traitent de ce disque mystérieux, on rencontre un certain scepticisme. Pour beaucoup, si l’album sort en 1996, c’est qu’il a été enregistré à cette époque : tout paraît trop étudié, le son est trop clair, trop bien défini, la wah-wah, la batterie, la guitare un peu grasse du dernier morceau… tout ça sonne trop 90’s. Les musiciens derrière tout ça sont peut-être connus, mais il s’agirait d’un hoax, une sorte d’hommage aux enregistrements, bien réels, des Cosmic Jokers des 70’s. Pour d’autres, rien de choquant : pas de son qui paraît impossible à produire au milieu des années 1970, pas de style anachronique, et un procédé créatif qui colle bien avec ce qui se faisait effectivement dans les studios allemands de l’époque.

Il est en tout cas un contre-argument qui ne tient pas trop la route : pour certains, le fait que Robinson apparaisse sous son pseudonyme de Genius P. Orridge, référence évidente à Genesis P-Orridge, de Throbbing Gristle, trahit le hoax, puisque Orion Awakes a vu le jour en 1976, date à laquelle Throbbing Gristle n’avait encore rien publié. Certes, mais Throbbing Gristle existait déjà quand même et, surtout, Genesis P-Orridge s’était fait connaître avant cela pour ses performances avec le collectif artistique COUM Transmissions, qui avait émigré à Londres, ville dont Robinson lui-même était originaire.

Pour ma part, je penche pour l’authenticité de Orion Awakes, et mon argument n’est pas musical. C’est une simple question de logique à mon sens.

Je veux bien entendre que Robinson ait eu l’idée – saugrenue – de se dire en 1996 : « tiens, et si j’enregistrais un disque à la façon des Cosmic Jokers et que j’éditais un CD juste pour dire Regardez les mecs, j’ai un trésor oublié du Krautrock dans mes tiroirs ! ». Pourquoi pas. Ça me paraît beaucoup d’effort pour pas grand-chose (il n’a pas dû s’en vendre des wagons, 100 personnes l’ont sur Discogs et on le trouve à 10 balles), mais admettons. Seulement voilà, il n’y a pas qu’Orion Awakes de Golem. Robinson, a publié TOUT ce qu’il avait dans ses tiroirs, en CD à l’époque, puis en vinyle plus récemment (toujours chez Mental Experience, gage de sérieux, j’insiste), soit pas moins de six albums avec celui de Golem : Pyramid – Pyramid, Temple – Temple, The Nazgûl – The Nazgûl, Cozmic Corridors – Cozmic Corridors et Galactic Explorers – Epitaph For Venus, plus une compilation ! Non seulement, ces enregistrements-là ne sont pas remis en question (il y a même quelques musiciens dont l’existence est avérée au milieu des pseudos), mais en plus ils couvrent vraiment tout le large spectre musical du Krautrock, de l’Ambient expérimental au Rock psychédélique dur.

Ça fait quand même beaucoup pour un seul homme, fût-il un faussaire de génie, non ?


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